Webdocumentaire
Dans l’intimité des passagers du m2
A côté des métros de Montréal, Tokyo, Los Angeles, Hong-Kong ou encore Varsovie, on trouve le m2 de Lausanne. Un petit parmi les grands. Hervé Cohen le réalisateur du webdocumentaire interactif «Life Underground» propose aux internautes de s’arrêter, le temps de quelques confidences, aux côtés de passagers rencontrés dans les métros du monde entier, dont le m2 de Lausanne.
Ce qui a amené Hervé Cohen à la réalisation de ce webdocumentaire, c’est sans nul doute son goût pour les autres, les inconnu.e.s, celles et ceux qu’il côtoie, avec qui il échange de brefs regards, suffisants pour attiser sa curiosité. Life Underground touche à la sensibilité des passagers, à la sienne, à la nôtre. C’est par téléphone que notre rédactrice Joëlle Loretan a échanger avec lui. Aujourd’hui basé à San Francisco, il nous parle de son projet et de sa rencontre avec les passagers du m2.
« Le métro est un vrai carrefour du monde. »
Hervé Cohen, expliquez-nous comment ce projet a démarré et pourquoi cet intérêt pour les métros?
Je suis Parisien et lorsque l’on grandit à Paris, on est plongé dans l’univers du métro au quotidien. Alors on regarde autour de soi, on se pose des questions sur les gens qui nous entourent, on devient curieux. On est dans une promiscuité physique avec ces inconnus, on se touche, avec toujours ce point d’interrogation: qui est cette personne auprès de qui on est assis? J’ai souvent envie d’aller vers les personnes, de leur parler, de savoir qui elles sont. Je me pose des questions, me raconte des histoires: «Pourquoi cette personne a un bouquet de fleurs à la main? Qui va-t-elle revoir ou rencontrer?» J’ai une approche très poétique de l’humanité, que j’essaie de partager. Et puis, lorsque je voyage dans une ville étrangère qui possède un métro, j’ai toujours envie d’y monter. Le métro est un vrai carrefour du monde. On apprend beaucoup de choses sur une société en regardant les gens dans le métro.
Vous questionnez, entre autres, les rêves des personnes rencontrées. Pourquoi?
Mon idée est de faire ressortir le contraste entre l’anonymat des transports publics et les pensées intimes des gens. Et questionner les rêves est un moyen d’entrer dans l’intimité des gens. Lorsque quelqu’un me confie ses rêves, ça débouche souvent sur une conversation plus profonde. On ouvre un espace intime, on entre dans l’histoire personnelle.
Comment s’est passée votre expérience lausannoise?
J’étais avec mon assistante, Pauline Jeanbourquin (réalisatrice de Lausanne, ndlr). Toutes les rencontres avec les passagers se sont faites sur la base du hasard, sans aucun casting préalable. Mon approche est de monter dans le métro et de me comporter comme je le fais habituellement: je me laisse porter par ma curiosité et, tout à coup, quelqu’un m’interpelle ou m’intrigue. Alors je l’aborde, je lui explique en quelques mots le projet, et si la personne est d’accord, on tourne.
C’est surprenant de voir Lausanne aux côtés des grands métros du monde, comme Hong Kong, Montréal ou encore Santiago. Pourquoi vous être intéressé au m2?
Pour ce projet, nous sommes partenaires avec l’Union internationale des transports publics (UITP). Elle a informé ses membres de notre démarche et les métros volontaires se sont annoncés. Les Transports publics de la région lausannoise ont eu envie de faire partie du projet, ils nous ont également soutenus financièrement. Et puis j’étais vraiment surpris du bel accueil que nous avons eu en Suisse. Les passagers du m2 étaient très réceptifs. Contrairement à d’autres endroits, nous n’avons pas eu trop de peine à trouver des candidats d’accord pour participer. A Lausanne, les gens sont vraiment sympas et très ouverts.
Quel succès rencontre ce projet?
Ça marche bien, nous avons été sélectionnés dans pas mal de festivals. Je reviens de Nouvelle-Zélande, où il a été présenté non seulement en tant que webdocumentaire, mais aussi en tant qu’installation, d’ailleurs déjà présentée à Los Angeles. Mon souhait est de présenter ce travail dans un espace public assombri, sur grand écran, pour obtenir cet effet immersif. J’aimerais que les spectateurs se sentent comme des voyageurs de métro, englobés par les sons, puisque la musique du webdocumentaire a été créée uniquement à partir de sons enregistrés dans les métros. Ce projet me passionne, je n’ai pas trouvé mieux pour aller explorer les sociétés et l’humanité. C’est percevoir quelque chose d’une société à un moment donné. A chaque fois que je vais quelque part, on sent les sujets dans l’air, les préoccupations.
Avez-vous découvert des préoccupations spécifiques aux passagers du m2? Ou y a-t-il au contraire des questionnements «universels»?
Il y a des similitudes, parce que nous sommes à peu près tous les mêmes. On a les mêmes quêtes et les mêmes désirs en règle générale. En Asie, de la Chine populaire à Singapour en passant par Taïwan, les jeunes ont ce désir d’aider financièrement et rapidement leurs parents, cette espèce de dette familiale qui les poursuit et qui est une vraie pression psychologique que je n’ai trouvée nulle part ailleurs. A Lausanne, je n’ai pas senti de choses particulières qui ressortaient. C’est peut-être une des villes où je n’ai pas perçu de thématique récurrente.
Le mot de la fin vous revient…
J’ai été tellement bien reçu à Lausanne que j’aimerais vraiment y revenir, pourquoi pas pour présenter mon travail d’installation?
Retrouvez «Life Underground» sur :
www.life-underground.com
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